Devenir végane, bien meilleur pour l'environnement que colporté
Par adminmas42 | Le 15/11/2017 | Articles
- Accaparement de surfaces terrestres par l'élevage -
Lorsque l'on aborde le sujet de l'impact écologique de l'élevage, on pense la plupart du temps, soit aux gaz à effet de serre et au réchauffement climatique, soit à la forte consommation d'eau, soit aux déforestations [1]. Ces dernières sont liées à l'accaparement de surfaces terrestres associé à l'élevage, mais ce sujet est la plupart du temps mal connu. Pourtant, la production de protéines animales à partir de protéines végétales est un processus particulièrement inefficace et devrait nous mettre la puce à l'oreille. La FAO a estimé qu'il fallait en moyenne 7 kcal végétales pour produire 1 kcal animale, avec des ratios allant de 16:1 dans le cas des bovins à 3:1 dans le cas des volailles [2]. Pour produire de la viande il faut donc nécessairement beaucoup de végétaux. Ainsi, toujours d’après la FAO, les surfaces terrestres nécessaires à l'alimentation du bétail accaparent 30% des surfaces terrestres émergées non-recouvertes de glaces [1]. L’organisme indique qu'il s'agit de l’activité anthropique qui requière le plus de terres avec pour conséquences logiques, les déforestations ou les destructions / dénaturations d'autres milieux sauvages. Lorsque l'on sait que la destruction des habitats naturels est la première cause de la disparition des espèces, cela implique nécessairement que l'élevage tient un rôle prépondérant dans la sixième extinction de masse en cours [3]. L'élevage a donc clairement un impact écologique élevé en termes d'accaparement de surfaces terrestres, mais quels avantages écologiques peut-on attendre d'un potentiel scénario végane à ce sujet ?
Une étude parue en 2016 dans Elementa Science of the Anthropocene intitulée 'Carrying capacity of U.S. agricultural land : 10 diet scenarios' et menée par Peters et al. a été dédiée à ce sujet [4]. C'est vraisemblablement l'étude de plus grande ampleur menée sur ce thème à l'heure actuelle. En se basant sur les productivités agricoles actuelles et en analysant les besoins nutritionnels de la population, les auteurs ont évalué les surfaces accaparées et les capacités de production de différents scénarios alimentaires aux États-Unis. La Figure 1 est une première illustration des résultats obtenus. BAS correspond au scénario alimentaire actuel aux États-Unis ; OMNI 60, correspond à une population composée à 60 % de personnes avec un régime omnivore et à 40 % de personnes avec un régime végétarien ; OVO correspond à une population ovo-lacto-végétarienne ; LAC, lacto-végétarienne uniquement ; et VEG correspond à un scénario de population végane. La lecture de ce graphique montre que l'augmentation de la part de végétaux dans notre régime alimentaire diminue fortement la surface accaparée par l'agriculture, et que le scénario végane a l'empreinte terrestre la plus faible. Comparé au scénario omnivore actuel, le scénario végane permet de diviser par un facteur presque 10 la surface terrestre accaparée par l'agriculture. En d'autres termes, c'est presque 90 % des terres actuellement accaparées par l'agriculture aux États-Unis qui pourraient retourner à l'état naturel.
Figure 1: Surfaces accaparées en fonction des scénarios alimentaires considérés
Mais l'étude ne s'arrête pas là. En effet, une grande partie des surfaces terrestres destinées à l'alimentation du bétail sont considérées comme non-arables. Autrement dit, on ne pourrait pas les utiliser efficacement pour produire de la nourriture à destination des humains. Sur la base de ces observations, les auteurs ont alors poursuivi leur étude en évaluant les capacités de production maximales que l'on peut attendre des différents scénarios alimentaires. En d'autres termes, combien de personnes peut-on nourrir au maximum ? La figure 2 réutilise les données de l'article pour illustrer les résultats obtenus. Comme on peut le constater, le scénario alimentaire omnivore actuel enregistre le pire résultat : non seulement c'est celui qui nourrit le moins de personnes, mais c'est aussi celui qui accapare le plus de surfaces terrestres. Végétaliser les assiettes conduit à une augmentation significative du nombre de personnes qu'il est possible de nourrir, et dans le même temps à une réduction significative des surfaces terrestres accaparées. Le scénario LAC enregistre les meilleures performances en termes de capacité de production tandis que le scénario végane, se trouve en cinquième position, mais avec une capacité de production qui se distingue très clairement parmi les meilleures. Il occupe néanmoins la première position en termes de surfaces terrestres puisque c'est le scénario qui en accapare le moins.
Figure 2: Capacités de production et surfaces totales accaparées par scénarios alimentaires
En dépit de ces données très satisfaisantes pour le véganisme, les résultats de cet article scientifique ont été repris par la presse grand public sous la forme d'articles avec des titres comme « Devenir végane, pas si bon pour l'environnement que ça » [5, 6, 7]. De manière très surprenante, tant les titres que les contenus de ces articles se ressemblent, mais en plus cette lecture partiale de l'article scientifique initial s'est diffusée au niveau international. En fait, toutes les données de l'article montrent, qu'au niveau environnemental, le scénario végane est le meilleur de tous les scénarios analysés dans cet article. Non seulement il accapare moins de surfaces terrestres que tous les autres scénarios, mais il le fait sans aucun prélèvement dans les milieux aquatiques, permettant ainsi leur rétablissement [8]. Ce scénario surclasse incontestablement le scénario omnivore actuel en termes de capacité de production, mais il est vrai qu'il peut subvenir au besoin de légèrement moins de personnes que quelques uns des autres des scénarios alimentaires étudiés. À ce sujet, on rappellera utilement que la population états-unienne était de 323 millions de personnes en 2016. Le scénario végane pourrait subvenir aux besoins de 735 millions d'états-uniens, soit de 2,27 fois la population actuelle. Autrement dit, pousser le scénario végane vers sa capacité maximale de production ne présente aucun intérêt.
Aux États-Unis, un scénario végane permettrait donc d'organiser le retour à la vie sauvage d'environ 90 % des espaces actuellement utilisés par l'agriculture, mais ces chiffres ne sont pas très parlants. Pour mieux visualiser, les surfaces en question ont été illustrées sur la figure 3. En orange, toute la surface accaparée par l'agriculture dans le cadre du scénario omnivore, en jaune, la surface qui serait nécessaire dans le cadre d'un scénario végane. En vert, la surface qui n'est pas utilisée par l'agriculture mais qui peut être inutilisable (montagnes, déserts, forêts) ou qui est utilisée autrement (urbanisme). Comme on peut le constater la surface utilisée par l'agriculture n'est pas marginale. Elle est importante et considérablement réduite dans le cadre d'un scénario végane. Une partie importante de la surface économisée dans le cadre d'un scénario végane correspond en fait à des pâturages. Cette forme d'élevage, de nature extensive ou pastorale, souvent vantée, est loin d'être inoffensive pour les milieux sauvages. En effet, l'élevage extensif est beaucoup moins productif que l'élevage industriel ce qui implique de facto un accaparement de surfaces terrestres beaucoup plus élevé, mais surtout, il supporte très mal la présence des animaux sauvages qui sont massivement abattus. Aux États-Unis, c'est autour de 3 millions d'animaux sauvages qui sont tués chaque année par le "Wildlife Services", sorte de bras armé du département de l'agriculture [9]. Ce phénomène d’élimination des animaux sauvages se retrouve partout dans le monde, il touche divers animaux et pour de très diverses raisons, comme la compétition sur les ressources [10, 11], la prédation [12, 13, 14, 15] ou encore la transmission de maladies [16, 17]. En France, on peut citer les cas particuliers des loups, ours et lynx qui sont menacés par l'élevage pastoral [18].
Figure 3: Surfaces accaparées par l'agriculture pour subvenir aux besoins de la population états-unienne dans le cas du scénario omnivore actuel et du scénario végane.
Pour conclure, tous les éléments présentés par cet article scientifique indiquent que la surface terrestre accaparée par le scénario végane serait la plus faible comparé à tous les autres scénarios alimentaires envisagés ce qui implique une pression humaine minimale sur les milieux sauvages terrestres. Par définition, un scénario végane exclut la consommation d'animaux aquatiques ce qui annule de facto la pression humaine sur les milieux aquatiques également. En dépit de ces limitations, un scénario végane aux États-Unis aurait une productivité exceptionnelle qui permettrait de subvenir aux besoins alimentaires de 2,27 fois la population états-unienne, et il surclasse largement le scénario omnivore actuel. Ces observations conduisent à la conclusion logique que le scénario végane est excellent d'un point de vue environnemental et incontestablement bien meilleur pour l'environnement que ce que le traitement médiatique de l'article originel ne l'a laissé entendre. Pour autant, le débat n'est pas clos, puisqu'il est possible de questionner le modèle agricole envisagé pour un tel scénario, la généralisation de ce modèle à d'autres pays, ou encore, la perte de biodiversité issue de l'abandon de l'élevage et de la fermeture des milieux.
Sur ces derniers points, on rappellera à toutes fins utiles : 1) que les légumineuses si utiles dans le régime végane sont des engrais verts qui fixent l'azote atmosphérique [19], ces plantes joueraient donc un rôle central dans le cadre d'une agriculture végane pour l'enrichissement des sols ; 2) que les monocultures ne sont pas une fin en soi puisqu'il a été montré que les polycultures présentent de très bons rendements sans engrais [20]; 3) que le modèle agricole états-unien est comparable au modèle agricole français avec notamment de grandes surfaces pâturées dans les deux cas ; 4) que les terres véritablement non-arables sont finalement assez rares, en témoigne l'agriculture basée sur la technique d'irrigation à pivot central que l'on trouve même en plein désert [21] ; 5) que la fermeture des milieux est un phénomène naturel, riche d'un point de vue biodiversité, mais qu'elle n'est plus considérée comme inéluctable, notamment parce qu'il est possible de se servir ou de moyens mécaniques ou des grands herbivores pour la contrôler [22] ; 6) que les animaux d'élevage sont des races dont le patrimoine génétique a été altéré par les sélections humaines et non des espèces à part entière et que les lignées sauvages dont ces animaux sont issus existent toujours dans la plupart des cas (sangliers, mouflons, chèvres sauvages, bouquetins, etc). L'éventuelle disparition des animaux d'élevage n'est donc pas synonyme de disparitions d'espèces. Quant à des animaux comme les bovins, leur ancêtre l'Auroch étant éteint, le retour à la nature peut et devrait être envisagé pour ces animaux. À ce titre la Betizu [23] et l'Auroch de Heck [24] sont des exemples pertinents. On peut envisager un retour à la vie sauvage également pour d'autres animaux comme les chevaux. Comme on peut le constater, d'innombrables pistes de réflexions existent, elles devraient pouvoir alimenter intelligemment le débat pour une transition vers un modèle de société végane. Les personnes interessées par davantage d'informations sur ce sujet sont invitées à se renseigner auprès de la Fédération Végane: site internet [25], page facebook [26] et page facebook dédiée aux questions sur la nutrition [27].
Sources
[1] http://www.fao.org/3/a-a0701f.pdf; Voir [1a] Voir résumé d'orientation pages xxi & xxii
[2] http://www.fao.org/docrep/t0562e/T0562E01.htm#Production and consumption (voir le paragraphe Animal versus Plant Production)
[3] http://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2017/07/10/la-sixieme-extinction-de-masse-des-animaux-s-accelere-de-maniere-dramatique_5158718_1652692.html
[4] https://www.elementascience.org/articles/10.12952/journal.elementa.000116/
[5] https://qz.com/749443/being-vegan-isnt-as-environmentally-friendly-as-you-think/
[6] https://vivredemain.fr/2016/08/05/vegane-pas-bon-planete/
[7] http://www.huffingtonpost.fr/2016/08/05/devenir-vegan-environnement_n_11346558.html
[8] https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/La-surexploitation-menace-30-des-ressources-halieutiques-mondiales-_NG_-2012-07-10-829467
[9] https://www.thedodo.com/wildlife-services-animals-killed-2016-2314386141.html
[10] http://www.demotivateur.fr/article/chevaux-mustang-massacre-etats-unis-7209
[11] http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/09/21/au-kenya-la-faune-sauvage-decimee-par-une-invasion-de-betail-domestique_5189164_3212.html
[12] https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/signature-larrete-fixant-nombre-loups-pouvant-etre-preleves-en-2017-2018
[13] https://www.ladepeche.fr/article/2017/01/27/2505430-eleveurs-et-elus-demandent-des-tirs-de-prelevement.html
[14] https://www.ladepeche.fr/article/2017/09/26/2653025-ours-les-eleveurs-refusent-de-participer-a-la-table-ronde.html
[15] https://www.ladepeche.fr/article/2017/10/06/2659889-perquisitions-chez-des-eleveurs.html
[16] http://controverses.mines-paristech.fr/meilleurs-sites/brucellose-dans-le-bargy-le-bouquetin-est-il-de-trop/
[17] http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/09/27/en-angleterre-le-sort-des-blaireaux-devient-une-affaire-nationale_1766370_3244.html
[18] http://www.leparisien.fr/societe/especes-menacees-adieu-vison-lapin-et-campagnol-17-11-2017-7397661.php
[19] https://fr.wikipedia.org/wiki/Rhizobium
[20] http://www.cnrs.fr/inee/communication/breves/b119.html
[21] https://fr.wikipedia.org/wiki/Irrigation_à_pivot_central
[22] http://www.reserves-naturelles.org/sites/default/files/librairie/les_cahiers_de_rnf7_rm_web_2.pdf
[23] https://fr.wikipedia.org/wiki/Betizu
[24] https://fr.wikipedia.org/wiki/Aurochs_de_Heck
[25] https://www.federationvegane.fr
[26] https://www.facebook.com/Fédération-végane-196913470386490/
[27] https://www.facebook.com/groups/veganismevivelab12/
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Par Emile Bévillon, le 15/11/2017
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